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Comment la mangrove lutte contre le changement climatique ?

observation des racines-échasses des palétuviers rouge

Découvrez comment la mangrove lutte contre le changement climatique et protège la terre tout en prenant soin de la mer…

Connaissez-vous la mangrove, cette forêt côtière des zones tropicales ? Savez-vous quel rôle elle joue dans la conservation des écosystèmes des littoraux exposés aux cyclones et à la montée des eaux ? Même si les mangroves du monde accueillent une soixantaine de variétés de palétuviers, en général seules 3 ou 4 espèces cohabitent sur un même site. Qu’est-ce qui explique alors l’importance extrême de cette forêt au niveau mondial et l’urgence de les protéger ?

mangrove des Salines en Martinique
mangrove des Salines en Martinique

Pour ce premier article de la série des « Forêts du Monde », je vous emmène explorer la mangrove du sud de la Martinique aux Antilles.

La mangrove du Parc Naturel Régional des Salines, au sud de la Martinique est un lieu de randonnées et de promenade très prisé. Tellement apprécié d’ailleurs que la magnifique plage des salines reçoit près d’1 million de visiteurs par an ! Pourtant, le tourisme n’est pas la seule menace qui pèse sur ce milieu fragile comme nous allons le voir dans la suite de cet article.

En arrivant sur place, cherchez le panneau explicatif pour commencer à décrypter le rôle primordial de cette « forêt sur pilotis ».

On commence l’approche par une forêt côtière sèche composée principalement de mancenilliers toxiques, de raisiniers et de cocotiers. Ce type de boisement se retrouve sur d’autres sites de l’île comme par exemple à Tartane. Un peu plus loin, vers la savane des pétrifications, le cordon littoral se retrouve pris en étau entre l’océan et le lac des Salines. À cet endroit commence le royaume des palétuviers.

observation des racines-échasses des palétuviers rouge
observation des racines-échasses des palétuviers rouge

Les 5 avantages majeurs de la mangrove

Voici en 5 points les bénéfices totalement gratuits de la mangrove dans nos vies. Oui je sais, dans une société mercantile cela parait complètement fou !

  • Une niche écologique
  • Un puits de carbone incroyablement efficace
  • Un rempart contre les tempêtes et l’érosion
  • Une station d’épuration
  • des ressources naturelles précieuses

Toutes ces qualités doivent nous alerter sur l’importance de protéger, régénérer et étudier ce milieu naturel unique. On parle beaucoup des forêts tropicales d’Amazonie ou d’Afrique mais les mangroves gagnent vraiment à être connues. Penchons-nous un peu plus en détail sur chacun de ces 5 points.

La mangrove : une niche écologique

Les palétuviers de la mangrove jouent un rôle vital dans le maintien de la biodiversité. Les racines enchevêtrées des mangliers rouges (voir plus bas) sont autant de refuges pour les poissons, mollusques et crustacés. En effet, cette zone représente un site de frayère pour de nombreuses espèces de poissons et de crevettes. En se promenant sur les chemins du PNR des Salines, on observe une quantité incroyable de crabes.

Cette nurserie géante attire les oiseaux migrateurs ou sédentaires. L’observation de cette richesse naturelle constitue un atout touristique majeur. D’ailleurs, des balades en canot sont proposées dans le marais du Lamentin, au centre de la Martinique.

fleurs de palétuvier blanc Avicennia germinans dans la mangrove des Salines en Martinique
fleurs de palétuvier blanc Avicennia germinans dans la mangrove des Salines en Martinique

La mangrove est un puits de carbone

Au niveau mondial les mangroves occupent environ 1,3 million de kilomètre carré. Ces forêts remplissent plusieurs fonctions essentielles dans le maintien du cycle écologique global et ont une importance socio-économique considérable pour les zones côtières de la planète.

Plus étonnant, les chercheurs estiment qu’à surface égale, la mangrove stocke jusqu’à 4 fois plus de carbone (même si plusieurs études suggèrent un ratio jusqu’à x10 !) ! On estime que chaque année, elle peut stocker jusqu’à 200 tonnes de carbone par kilomètre carré. Elle neutralise aussi les émanations de carbone issues de la décomposition des matières organiques dans le marais. Les mangroves jouent donc un rôle considérable dans la lutte contre le changement climatique comparativement à leur surface.

Un rempart contre les tempêtes et l’érosion des sols

La présence de marais de palétuviers protège la côte mais aussi les terres situées à l’arrière de cette forêt si particulière. En fixant la vase et le sable grâce à leurs racines spécifiques, ces arbres empêchent l’érosion par les vagues, le vent et les courants. Ils cassent la houle qui vient mourir dans les entrelacs formés par les racines en forme d’arc-boutant des Rhizophora. Lors de fortes pluies, ils cassent le ruissellement et retiennent d’éventuels glissement de terrain.

En cas de submersion marine des terres, elle participe au dessalement du sol. En effet, les palétuviers exsude le sel par les feuilles.

Le rôle des mangroves dans la filtration de l’eau

Située entre terre et mer, la mangrove est une zone tampon entre les eaux douces et le milieu marin. Son action permet de filtrer et de retenir une grosse quantité de polluants chimiques industriels ou agricoles… Jusqu’à un certain point ! Beaucoup de sites souffrent aujourd’hui d’une overdose de cocktails chimiques composés d’huiles minérales, de pesticides et d’engrais agricoles.

Par leur rôle similaire à une station d’épuration, les mangroves contribuent à protéger le récif corallien et la qualité des eaux côtières. En fait, c’est une forêt qui prend soin de la mer !

La mangrove est une forêt qui prend soin de la mer

Guillaume d’I Have A Tree

Les ressources naturelles issues de la mangrove

vieux spécimen de palétuvier gris Conocarpus erectus
Vieux spécimen de Podocarpus erectus (Palétuvier gris)

C’est un véritable paradoxe ! Par exemple, la mangrove des Salines en Martinique est composée de seulement 4 espèces d’arbres. Du point de vue biologique , c’est très faible. Pourtant la mangrove est un milieu extrêmement riche et productif. Poissons, crustacés, mollusques, bois… Les populations qui vivent aux abords de ces zones en tirent une bonne part de leur subsistance. Je me souviens de la cueillette des huitres de palétuviers avec les Bijogos en Guinée-Bissao quand j’étais adolescent. Les huitres poussaient en grappe sur les racines aériennes des palétuviers rouge. C’était une source de nourriture facile d’accès et abondante.

Les pêcheries dépendent de la productivité de la mangrove. La dégradation d’une de ces marécages impacte directement le volume des pêches de crevettes, de crabes et de poissons. Évidemment, c’est la pêche artisanale locale qui en souffre en premier.

Le feuillage de certaines espèces de palétuviers comme le Conocarpus erectus (palétuvier gris) est un complément de fourrage facilement disponible en toute saison pour les buffles.

Le bois de palétuvier est d’une grande qualité, dense et résistant au milieu salin. C’est un excellent combustible qui sert à fabriquer du charbon de bois. Les plus grands troncs sont parfois exploités pour la construction de pilotis ou de l’artisanat. l’écorce de certaines variétés contient beaucoup de tanins utiles pour le tannage des peaux. Cependant, il est préférable de ne pas les couper. Ce type de forêt est difficilement exploitable et sa régénération est complexe.

Les différents types de mangroves

Situés dans la zone de balancement des marées, les palétuviers ont adopté des stratégies uniques pour s’adapter à ce milieu complexe, voir hostile. On dit que ces arbres sont « halophyles » car ils résistent à des salinités très élevées. Chaque espèce de palétuvier se développe dans une zone particulière de la mangrove, en fonction de son éloignement du trait de côte.

plantule de Rhizophora mangle ou palétuvier rouge
Plantule de Rhizophora mangle (palétuvier rouge)

Les mangroves sont généralement formées par une variété assez faible de plantes, dont certaines poussent en hauteur jusqu’à 20 m. Ces forêts se développent dans les eaux salées et sont connectées aux réseaux fluviaux, tout en offrant une protection contre l’érosion côtière et les tempêtes. On distingue 3 zones avec leurs espèces particulières d’arbres.

1/ La zone littorale ou des estuaires

C’est le premier rideau végétal entre l’eau du fleuve ou de la mer et la terre. On la reconnait aux entrelacs de racines des palétuviers rouges (Rhizophora mangle). Leur défi est de se fixer dans un substrat sédimentaire sableux ou vaseux très instable. Grâce à leurs racines en arc-boutant, ils répartissent avantageusement leurs points d’ancrages. De plus la grande surface aérienne des racines de cette espèce lui permet de respirer.

Palétuviers rouge Rhizophora mangli et ses racines-échasses
Palétuviers rouge Rhizophora mangli et ses racines-échasses

La reproduction du palétuvier rouge est aussi très étonnante. En effet, c’est une des seules espèces végétales dont la graine (rhizhome ou « plantule ») se développe directement sur le plant mère. Lorsque le plantule est doté de racines et d’un petit houppier, il se détache. En fonction de la marée, soit il se plante directement au pied du plant mère ou bien il dérive quelque temps avant de se fixer plus loin.

2/ La zone marécageuse

Derrière les rhizophora, la zone est plus calme et le niveau d’eau est très fluctuant. le marais s’assèche à marée basse. Les crabes prennent alors possession des lieux. Certains poissons comme le gobie sauteur (periophtalme) résistent jusqu’au retour de l’eau. Je me souviens en avoir observé dans un lambeau de mangrove (la plus septentrionale) en Mauritanie, au sud du banc d’Arguin. C’est près de cet endroit que la « Méduse » s’est échouée, inspirant le célèbre tableau de Géricault.

Bref, revenons aux Salines, en Martinique. Dans cette partie de la mangrove poussent les palétuviers noirs (Avicennia germinans). Comme c’est souvent un milieu d’eaux stagnantes, ces végétaux ont développé une autre stratégie pour se développer. Leurs racines formant non pas des arc mais ressortent du sol comme autant de petits stalagmites. On les appelle des « pneumatophores ». Ces petits tubes creux affleurent à la surface de l’eau pour alimenter la plante en oxygène.

pneumatophores de palétuviers noirs Avicennia germinans
pneumatophores de palétuviers noirs Avicennia germinans

Leur reproduction est assurée par la multitude de petites graines qui tombent au pied du plant mère. Les plantules se développent en colonie entre les pneumatophores (voir photo).

3/ La zone semi-sèche

A l’arrière de la mangrove quand on vient de la mer se trouve une zone tampon qui reçoit plus ou moins d’eau douce issue du ruissellement tout en étant souvent saturée en sel. Dans cette partie, le challenge est de résister à des teneurs en sel extrême en alternance avec l’arrivée d’eau douce. Tous les palétuviers sont « halotolérants », c’est-à-dire qu’ils résistent au taux de sel infernal du milieu. Ces arbres éliminent le sel par les feuilles. D’ailleurs le nom même du lieu en Martinique vient de cette présence qui était autrefois exploitée dans les marais : les salines.

fruits du palétuvier gris Conocarpus erectus
fruits du palétuvier gris Conocarpus erectus

Les palétuviers blancs (Laguncularia racemosa) et gris (Conocarpus erectus) s’épanouissent dans cette partie de la mangrove.

Protéger les mangroves du monde entier

Les mangroves fournissent des habitats essentiels pour la biodiversité marine. Elles jouent un rôle majeur dans la restauration et la conservation des récifs de corail et des écosystèmes marins qui dépendent directement de l’implantation des mangroves pour leur survie. En effet, les bancs de sable fournissent une protection (filtre) non seulement contre les courants, mais aussi contre toutes sortes de polluants. Les mangroves abritent également une multitude d’espèces terrestres rares, telles que certaines espèces de chauve-souris qui sont menacées par la destruction continue de leur habitat.

panneau explicatif de la mangrove des Salines en Martinique
Panneau explicatif au PNR des Salines en Martinique

>Réduction des rejets de déchets dans les zones côtières

Le rejet massif des déchets organiques et inorganiques dans les zones côtières a un impact négatif considérable sur les écosystèmes marins. Les produits chimiques phytosanitaires, les eaux usées, les plastiques, les ruissellements des routes sont particulièrement dangereux pour la santé des mangroves et des écosystèmes marins. Nous devons réduire ces rejets en collectant, recyclant ou compostant autant que possible et en évitant l’utilisation excessive d’engrais chimiques. Utiliser des produits et des méthodes naturels de protection du bois, comme ceux de Sol-éco contribuent à réduire l’utilisation de dérivés pétroliers qui finissent toujours dans les océans.

>Participation à la protection et à la restauration des forêts de mangrove

La participation à des projets de gestion durable est cruciale pour la conservation des forêts de mangrove. Ces projets comprennent généralement le reboisement et l’aménagement durable des milieux côtiers, ainsi que le contrôle des activités humaines qui endommagent l’habitat des mangroves. Une intervention collective est indispensable afin de permettre une participation à des initiatives telles que le financement et le soutien à la recherche sur la gestion et l’impact des forêts de mangrove pour le bien-être de la planète.

jeunes palétuviers gris Conocarpus erectus dans la mangrove du sud de la Martinique
jeunes palétuviers gris Conocarpus erectus dans la mangrove du sud de la Martinique

Avec Sol-éco, notre entreprise de protection naturelle du bois, nous avons contribué à la replantation de mangroves du sud-est asiatique endommagées par le passage d’un tsunami.

Conclusion

Les forêts de mangrove jouent un rôle essentiel pour l’écosystème et le maintien du cycle écologique global. Elles fournissent non seulement des avantages écologiques mais aussi socio-économiques considérables pour les communautés côtières, en offrant un abri et une source de nourriture à une multitude d’espèces marines. Elles contribuent également à la réduction des risques sanitaires associés à la pollution marine.

L’action collective est clairement indispensable pour préserver ces précieux écosystèmes. Chacun doit être conscient du rôle important qu’ils jouent pour la santé et le bien-être de notre planète et prendre des mesures pour protéger le stockage de carbone et les zones côtières. La prise de conscience publique est essentielle. Si vous voyagez dans une zone de mangrove comme celle des Salines ou du Lamentin en Martinique, renseignez-vous sur les visites proposées. C’est en les connaissant mieux que vous les protègerez mieux !

Guillaume pour I Have a Tree

16 thoughts on “Comment la mangrove lutte contre le changement climatique ?

  1. Marie dit :

    Bonjour,
    Je reviens tout juste d’un voyage de trois mois au Mexique où j’ai eu l’occasion de me promener (en bateau) dans la mangrove (à Celestun). On se rend vraiment compte de la richesse extra-ordinaire de cet écosystème. Merci d’en parler sur ce blog.

    1. Guillaume dit :

      Bonjour Marie,
      Merci pour votre commentaire ! C’est vrai, la mangrove est vraiment capitale pour les populations locales qui en tirent des moyens de subsistance mais également de protection. C’est une véritable réserve de biodiversité aquatique qui se cachent entre les racines !
      Guillaume pour I Have a Tree

  2. Alexia Gillet dit :

    Merci pour cet article !
    Je ne savais pas que la mangrove pouvait stocker 10 fois plus de carbone qu’une forêt classique. On entend très peu parler des mangrove d’un point de vue écologique. Sûrement parcequ’en France nous n’avons pas de mangrove 😂
    En tout cas j’ai appris plein de choses. Et les photos sont magnifiques ! Bravo !

    1. Guillaume dit :

      Merci pour le commentaire Alexia !
      Oui on ne parle pas assez des mangroves, c’est pourquoi je vais en faire un axe stratégique dans I Have a Tree 😉
      Guillaume

  3. A.Sophie dit :

    Merci pour cet article ! Mon ancien prof de géologie avait fait sa thèse sur les mangroves, alors autant dire que j’en ai entendu parler pendant quelques années. Merci pour cette description qui met en lumière cette richesse naturelle et cet écosystème.

    1. Guillaume dit :

      Génial ! Pourriez-vous me donner son nom ou me mettre en relation ? Je cherche des experts du domaine afin de mieux agir pour leur protection…
      Guillaume pour I Have a Tree

  4. Laura dit :

    Superbe article ! Et superbes photos. Le palétuvier gris est magnifique.
    Merci pour toutes ces informations sur les mangroves, c’est un monde vraiment fascinant.

    1. Guillaume dit :

      Oui , ce qui me fascine c’est ce mélange terrestre/marin ! Un vrai zone de perméabilité entre 2 mondes…

  5. Cassandre dit :

    Merci Guillaume, pour cet article très complet et passionnant !! Étant martiniquaise, j’ai pu visiter plusieurs mangroves, en Martinique, en kayak, avec des amis. En effet, mieux connaître les mangroves permet de mieux les protéger. Encore merci !

    1. Guillaume dit :

      Bonjour Cassandre,
      Effectivement le kayak est une super manière de découvrir la mangrove !

  6. Philippe dit :

    BRAVO Sophie & Guillaume pour votre défi !! planter 1 000 000 d’arbres en 5 ans !!
    Depuis quand avez-vous commencé ?Et combien d’arbres plantés jusqu’à aujourd’hui ?
    « I HAVE A TREE » fait référence à « I HAVE A DEREAM » de Martin Luther King ?
    Bon courage !

    1. Guillaume dit :

      Merci Philippe !
      Le projet démarre juste et s’il vous inspire, vous pouvez vous aussi planter des arbres et faire augmenter notre compteur 😉
      Le nombre d’arbres plantés est visible sur la page d’accueil du site.
      Et oui, vous êtes perspicace car nous faisons bien référence au discours de Martin Luther King 😉

  7. Guillaume dit :

    C’est fascinant ce reportage terrain ! Je retiens que le mangrove évite l’érosion des sols, stocke du carbone et permet à des espèces aquatiques et également terrestres de se nicher.
    Je me suis un peu intéressé aux fleurs de Avicennia germinans et elles sont pollinisées par les fourmis 😄

    1. Guillaume dit :

      Et oui Guillaume ! Certaines espèces végétales sont pollinisées par d’autres insectes que tes hyménoptères préférés 😉

  8. Le premier article d’une longue série est déjà très riche en carbone et en informations. Loin d’imaginer que la mangrove est un impacte sur le changement climatique. Ces photos donnent envie de retrouver le soleil comme ton article ;-))))

    1. Guillaume dit :

      C’est vrai Edouard ! La mangrove est un milieu naturel incroyable et I Have A Tree va contribuer à protéger ces forêts vraiment spéciales…

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